Une nouvelle présidente et de nouveaux défis pour la Banque Alimentaire de l'Isère

Vie associative
30/04/2023 - article du Dauphiné Libéré
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Après une année de transition, Françoise Dessertine vient d'être élue présidente de la Banque Alimentaire de l'Isère (BAI). Elle s'engage aux côtés de plus de 170 bénévoles qui œuvrent au quotidien pour combattre la précarité alimentaire.

C'est une nouvelle page qui s'ouvre à la Banque Alimentaire de l'Isère. Depuis le décès brutal de Christian Chédru en février 2022, c'est Bemard Perry qui assurait provisoirement la présidence de l'association. Cette année de transition s'est achevée le 25 avril avec l'élection d'une nouvelle présidente, Françoise Dessertine. Retraitée depuis 18 mois, elle s'est d'abord laissé un peu de temps pour « se reposer » après vingt ans de travail dans le privé puis vingt autres années dans la fonction publique territoriale. « J’étais agente à la Ville de Grenoble. J’ai travaillé dans différents services et je connais bien le fonctionnement des collectivités », indique-t-elle.

Mais très vite, elle a ressenti le besoin de s’investir. « Quand on a la chance d'arriver à la retraite en bonne santé, avec toutes nos capacités intellectuelles, il faut les mettre au service de la société, lance-t-elle. Et la Banque Alimentaire « s'est imposée... C'est une très belle association, dans l'action, avec plus de 170 bénévoles », qui œuvrent au quotidien pour 8 000 bénéficiaires hebdomadaires.

Depuis janvier, « j'ai eu la chance de pouvoir me tenir aux côtés de Bernard Perry qui a fait preuve d‘une extrême bienveillance et m’a permis de mieux comprendre les enjeux, le fonctionnement, les partenaires... C‘est une grosse machine »

Cibler finement les besoins

La BAI fait face à une croissance rapide, avec une augmentation constante du nombre de bénéficiaires. « C'est + 30 % entre 2019 et 2022 », pointe la présidente. Aussi, l'association est toujours en recherche active d'un nouvel entrepôt. À Sassenage, où elle est installée depuis 1996, la BAI dispose de 1 300 m2, « or, il nous en faudrait 3 500 compte tenu du volume de denrées et pour permettre aux bénévoles de travailler en sécurité ». Les collectivités locales ont été sollicitées mais le local adéquat n’a pas encore été trouvé.

D‘autres défis se présentent à la nouvelle présidente, comme celui d’améliorer l’équilibre nutritionnel des colis. Pour cela, la BAI souhaite développer l'achat de fruits et légumes en circuit court. Elle se mobilise aussi pour améliorer toujours plus ses relations avec ses partenaires associatifs et les CCAS. L'un des objectifs est notamment d'avoir une connaissance la plus précise possible des bénéficiaires et des besoins par territoire, voire par quartier, pour répartir au mieux les "forces" Pour cela, la BAI travaille avec le Département de l'Isère, la Croix-Rouge et les Restos du cœur « autour d'une carte de la précarité et de la grande précarité, qui offre une analyse très fine du territoire », détaille la présidente. « En la superposant à nos propres cartes de distribution, on va pouvoir identifier les besoins selon les zones et ensuite rencontrer les associations qui distribuent pour leur partager les besoins des habitants. On va pouvoir travailler de façon plus adaptée, toujours avec l’appui de l'État et du Département, nos soutiens financiers majeurs ».

« De plus en plus de travailleurs pauvres »

Car l’obtention d‘aides financières, indispensable au fonctionnement de la BAI, est l‘autre défi à relever. « Rien que sur le 1er trimestre 2023, le nombre de bénéficiaires a encore augmenté de 14 %. On a de plus en plus de travailleurs pauvres, souvent des femmes seules avec enfants à temps partiel subi, ou encore des retraités au minimum vieillesse qui ne s’en sortent pas », liste Françoise Dessertine. Alors la BAI a plus que jamais besoin de soutiens financiers. « On sait que l'argent est de plus en plus “cher” pour les collectivités. Elles répondent présentes mais il faut aussi aller le chercher ailleurs, auprès de mécènes privés. On va continuer à travailler la-dessus ».

Sans oublier les bénévoles, dont la BAI a toujours besoin. « On a un beau dynamisme mais on a besoin de continuer à recruter ». L'appel est lancé !
 
Marina BLANC


REPÈRES

Présente sur les treize territoires de l'Isère, la BAI compte 98 associations, 108 points de distribution, 12 épiceries solidaires et 19 CCAS conventionnés. Elle a redistribué, l’an dernier, 2 565 tonnes de nourriture, soit l’équivalent de plus de 5 millions de repas. Son budget annuel de fonctionnement est de 737 000 € tandis que les valorisations de ses actions (heures de bénévolat, denrées collectées...) ont représenté prés de 9 M€ en 2022.


+14 %

C’est l'augmentation du nombre de bénéficiaires sur le 1er trimestre 2023. Entre 2019 et 2022, la hausse était de 30 %.


5 tonnes de pommes de terre plantées tout près

Le phénomène s'est fait progressivement, mais le constat est là : « Dans toutes les banques alimentaires, le camembert de l'équilibre nutritionnel entre les apports en produits secs, frais, viande et produits laitiers s’est dégradé », pointe Françoise Dessertine. Les banques font en effet face à une baisse des quantités de produits frais ramassés en grandes surfaces (- 25 % en Isère en trois ans), parce que ces dernières s'organisent mieux pour gaspiller moins. « On a une baisse de la quantité mais aussi de la qualité. Certaines denrées ne peuvent pas être redistribuées... ».

Améliorer l'équilibre nutritionnel des bénéficiaires

Auparavant dépendantes de ces collectes, les banques sont désormais autorisées à acheter des produits frais. Aussi, « la BAI s'est mise en ordre de marche pour acquérir des fruits et légumes en circuit court. Pour rééquilibrer le fameux camembert de l'équilibre nutritionnel, il nous faudrait acheter entre 100 et 200 tonnes par an ».

Cette année, la BAI va commencer par acheter 100 tonnes. « On y va progressivement parce que financièrement, on part de zéro. Des collectivités locales et des mécènes privés ont répondu à notre appel. Mais ce n'est pas suffisant... On attend beaucoup des financements annoncés par Élisabeth Borne en décembre. C’est 60 millions d'euros fléchés sur l’aide alimentaire, mais on ne connaît toujours pas les modalités précises d’attribution... », détaille la présidente de la BAI.

Un réseau d‘agriculteurs locaux

En attendant, l'association s’organise. Elle a constitué depuis janvier un réseau d‘agriculteurs du département, avec lesquels elle est en capacité de travailler. « On veut le faire de façon vertueuse, éthique. On a des moyens limités alors on négociera les prix mais on les paiera un peu mieux que les grandes surfaces. Ça leur garantit aussi des achats de production ». Et ça commence à prendre puisqu'un agriculteur du Grésivaudan a déjà planté, pour la BAI, 5 tonnes de pommes de terre qui lui seront livrées à l’automne.

Ma. B.