Une cuisine "Trois Étoiles" pour les plus démunis

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15/12/2015 - Isère Magazine
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Le Département a mis la cuisine d’un collège à disposition de la Banque Alimentaire pour qu’elle puisse préparer de bons petits plats au profit de ceux qui ont faim, avec des produits qui étaient destinés à finir à la benne. Une initiative unique en France.

Aujourd’hui, ce sera rôti de boeuf, poulet “label rouge”, ou sauté d’agneau au curry, avec en accompagnement, champignons des bois, fenouils braisés et pommes de terre en robe des champs”, présente Christian Chédru, chef cuisinier.


Nous ne sommes pas dans un restaurant mais dans la cuisine du collège Marc Sangnier à Seyssins, dans l’agglomération grenobloise. Depuis le 5 octobre dernier, le Département met ces locaux à disposition de la Banque Alimentaire de l’Isère pour le projet “Trois étoiles solidaires”. Objectif : permettre à cette association caritative de cuisiner des plats à base de viande ne pouvant être mise sur le marché, car trop proche de la date limite de consommation, et la redistribuer à ceux qui ont faim.


Cette idée est née il y a deux ans. “Chaque année, nos bénévoles récupèrent plus de 30 tonnes de marchandises dans cinq grandes surfaces. Nous les dispatchons auprès de nos 85 associations partenaires, chargées d’assurer l’aide alimentaire de 5 500 Isérois. Dans cette collecte, figurent des produits carnés que nous nepouvons redistribuer, en raison du délai de péremption, explique Bernard Perry, le président. Par ailleurs, près de 500 kg de viande sont jetés par les grandes enseignes de l’agglomération grenobloise quotidiennement, du fait qu’ils périment le jour même ou le lendemain. Cette opération nous permet de gagner jusqu’à cinq jours de consommation.”


Tous les matins, du lundi au jeudi, arrivent à Seyssins 100 kg de viande et autant de légumes de saison, un peu flétris mais encore plein de vitamines. Avec, sont confectionnées chaque semaine 250 barquettes de quatre parts chacune – moitié viande, moitié légumes – correspondant à 500 repas.


Aux fourneaux, trois bénévoles de la Banque alimentaire et deux apprentis de l’IMT (Institut des métiers et des techniques) de Grenoble, encadrés par un chef cuisinier, s’efforcent de trouver la bonne recette avec les produits du jour. “Chaque fois, nous sortons entre cinq et six plats différents. Nous travaillons selon un processus validé par la Direction départementale de la protection des populations : les produits sont stockés en chambre froide à 3 °C, puis triés, épluchés, cuisinés et conditionnés le jour même en barquettes thermoscellées”, explique Christian Chédru.
Dans cette initiative, tout le monde est gagnant. Les premiers sont les bénéficiaires qui peuvent manger des plats équilibrés, bien meilleursà la santé et en goût que les conserves. Les grandes surfaces tirent aussi leur épingle du jeu : depuis 2012, une directive européenne leur impose de valoriser leurs déchets alimentaires, sous peine de payer une amende proportionnelleau volume jeté. À l’inverse, donner à une association permet de limiter le montant de cette taxe et de bénéficier d’une réduction fiscale de 60 %. Pour sa part, le Département rentabilise un équipement qui n’était plus utilisé, la cuisine du collège ayant été mutualisée. Une belle aventure humaine


Mais cette opération a aussi un coût. La Banque Alimentaire a dû trouver 150 000 euros pour rénover la cuisine et la mettre en conformité. Elle s’est associée à Pierre Pavy, un restaurateur bien connu à Grenoble, qui invite ses clients à reverser un euro par repas au bénéfice du projet. Autre partenaire, Fréderic Dupont, un chef d’entreprise, qui organise chaque année un festival de musique, dont la dernière édition a déjà permis de récolter 1 000 euros.
D’ici à la fin 2016, l’association caritative souhaite pouvoir cuisiner 200 kg de viande par jour et réaliser 1 000 portions de plats cuisinés. Pour cela, la Banque Alimentaire a besoin de généreux donateurs qui l’aident à assurer le fonctionnement de son projet. Cette initiative devrait faire école dans d’autres régions.