Quand les élèves du Clos d'Or cuisinent "solidaires"

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18/03/2021 - Dauphiné Libéré
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Quand les élèves du Clos d'Or cuisinent "solidaires"

Ils ont l'habitude de préparer un service de 25 à 40 couverts. Mais, pour l'occasion, ce sont 100 menus à emporter que les élèves de CAP cuisine ont cuisinés à destination de la Banque Alimentaire. Un exercice nouveau et délicat.

L'important ? C*est le grammage. « S'il y a 10 grammes de produit en trop dans chaque barquette, on ne parviendra jamais à en remplir 100 ! », martèle Thomas Rakotobé, professeur de cuisine. Alors, chacun se concentre sur sa balance, veillant à ne pas laisser de grains de maïs superflus qui dérégleraient le bel ensemble. Les mains gantées ajoutent quelques grammes par ci, enlèvent quelques grammes par là. Et disposent les barquettes dans un bel alignement qui permettra, lorsqu'elles seront toutes remplies, de mieux les compter.

Depuis trois ans, le Clos d`or participe à la "Semaine des écoles hôtelières” organisée par l'association La Tablée des chefs. « Il s'agit de produire des repas pour des personnes dans le besoin  », résume Sébastien Gayet, directeur de l'établissement. « L'opération se fait en partenariat avec Métro (grossiste alimentaire pour professionnels), qui fournit les marchandises. Nous, nous nous engageons à les cuisiner et les mettre en barquettes ». C'est le Clos d'or qui a choisi l'organisme bénéficiaire: la Banque Alimentaire de l'Isère. « Nous avons des échanges de longue date avec eux. Nos élèves se rendent régulièrement à leur cuisine “Trois étoiles solidaires” pour préparer des repas à destination des personnes en difficulté ».

À deux reprises (mardi 16 et mardi 23 mars), un groupe d'élèves travaille donc près d'une journée – entre la préparation des ingrédients, la confection de la recette, la cuisson, le refroidissement, la mise en barquette... –
sur cette action solidaire. « C'est une belle chose qui sensibilise les élèves au bénévolat et à l'entraide, qui sont des valeurs humaines qui nous importent », souligne le directeur. « Et faire 100 repas, c'est un exercice spécifique, qui nécessite une rigueur en termes d'organisation ». Thomas Rakotobé ne peut qu'approuver : « On a fait les préliminaires la veille : épluchage des légumes, décontamination, le conditionnement. Et le jour même, c'est cuisson, refroidissement et conditionnement. Travailler de tels volumes permet aux élèves d'expérimenter un rythme différent. Car éplucher une carotte ne prend pas longtemps mais quand on a 20 kg à éplucher, ça n'est pas la même chose ! »

Les contraintes d'organisation n'entament toutefois pas la bonne humeur des futurs chefs : tous se disent ravis de l'expérience. « C'est vraiment super, on adore ! », lancent-ils en finalisant l'alignement des barquettes sur la table de travail. Elles sont à moitié remplies de légumes de saison (chou frisé, carottes, maïs) en attendant le complément de la recette : riz pilaf au curry et lentilles blondes. Mais voilà... il manque des barquettes ! 96 sont disposées, formant un carré parfait. Où sont les quatre dernières ? l'effervescence gagne le petit groupe qui teste chaque barquette pour trouver les doublons. Las : une seule barquette supplémentaire est dénichée. Le mystère restera entier. Pas grave.

« On va se débrouiller, pour bien donner 100 barquettes à la Banque Alimentaire ». C'est tout ce qui compte.

Isabelle CALENDRE


Un don « symbolique mais important »

Les 100 repas préparés par les élèves du Clos d'or ont été offerts à la Banque Alimentaire (100 autres le seront mardi 23 mars). « Depuis plusieurs années. nous bénéficions de cette opération qui permet de distribuer des repas aux bénéficiaires », salue Christian Chédru, président de l'association iséroise. « Bien sûr, 100 repas, c'est plus symbolique qu'autre chose car nous en distribuons à 8300 bénéficiaires chaque semaine ! Entre les étudiants, les femmes seules, les retraités... le public a évolué et grossi ». Reste que tout symbolique qu'il soit, le geste du Clos d'or « est important pour nous. Qu'une structure comme l'école hôtelière pense à nous est une belle chose, cela nous donne confiance ».

La Banque Alimentaire connaît bien les élèves et professeurs du Clos d'or puisque ceux-ci participent régulièrement aux préparations de repas au sein de la cuisine “Trois étoiles solidaires” qui dépend de la BAI. « Nos bénévoles préparent 3 000 repas par semaine, on cuisine des viandes et légumes qui, sans cela, seraient jetés. Cela redonne vie aux produits alimentaires et permet aux personnes en difficulté d'avoir le plaisir de manger des plats préparés, équilibrés. On ne jette plus les produits, on les donne. C'est une question de valeurs », insiste Christian Chédru.

Des valeurs que partage le Clos d'or : pendant la pandémie, des professeurs ont même régulièrement participé à la cuisine pour remplacer des bénévoles fragiles.

Au Clos d'or, un enseignement qui s'adapte

Si l'année qu'ont vécue les élèves de lycées hôteliers restera particulière, le Clos d`or a tenu à avancer et à s`adapter. « Ainsi, au départ, seules les classes de terminale étaient en présentiel complet. les autres alternaient une semaine de présentiel et une semaine en distanciel, assure Sébastien Gayet, directeur. Mais on s'est aperçu que la semaine de distanciel était préjudiciable pour les élèves de CAP : on les “perdait". Alors on les a réintégrés à plein temps au lycée ».

En jouant sur les temps pratiques et le temps d'enseignement général, les agendas se sont organisés pour respecter les contraintes sanitaires.

Ici, CAP (pâtisserie, cuisine et restauration) et bac pro (alimentation boulangerie-pâtisserie, cuisine restauration) cohabitent au sein d'un espace méconnu. Si le grand public connaît bien le “grand frère" Lesdiguières, il est en effet moins familier du Clos d'or, établissement pourtant installé, accueillant 400 élèves ! Un Clos d'or qui n'a pas laissé la pandémie freiner ses projets : « Nous avons lancé, en septembre 2020, l'alternance en bac pro. C'est une nouveauté qui nous permet, via l'expérience de terrain, de garder des élèves qui, autrement, auraient pu décrocher ».

Depuis les confinements, les restaurants du Clos d'or sont fermés au public, mais ouverts aux élèves: « Cela soulage le self et permet de respecter le protocole sanitaire ». Et puisqu'on cuisine beaucoup ici, les plats restants sont emballés et vendus à emporter, mais uniquement en interne. « Vendre au grand public nécessite une organisation complexe en termes de normes sanitaires ». Le Clos d'or va tout de même y réfléchir. Pour avancer, toujours...