Quatre-vingt-quatre personnes étaient conviées à la table de Pierre Pavy, hier midi, pour un repas de Noël. C’est la 15e année consécutive que ce restaurateur grenoblois s’associe à l’association ASDF (Accueil de sSDF) pour offrir aux plus démunis un repas chaud au “5”, le restaurant attenant au Musée de Grenoble.
Au menu, soupe de courge, foie gras, filet de poulet à la crème et aux champignons, accompagné d’un gratin dauphinois, une assiette de fromage, des mandarines, papillotes et enfin une bûche au chocolat. « Ils vont manger exactement ce que les clients ont mangé hier soir ou mangeront demain, c’est un vrai repas de fête traditionnel, détaille Pierre Pavy. C’est un point auquel je suis particulièrement attaché, car la solidarité, ce n’est pas un ministère, ce sont des actions individuelles. »
Une vingtaine de bénévoles était mobilisée pour recevoir les invités alors que le service était assuré par cinq membres de l’équipe de volleyball et leur entraîneur.
« J’ai obtenu les ingrédients nécessaires à ce repas auprès de mes fournisseurs mais aussi auprès d’agriculteurs locaux qui donnent spontanément des fruits et des légumes. Cette année, ils ont été particulièrement généreux ». Le restaurateur a déjà prévu de préparer des plats supplémentaires qui seront emportés puis distribués par l’ASDF.
Parmi l’ensemble des participants, « il y en a peut-être dix qui vivent dehors », précisait Pierre Pavy. La précarité touche toutes les classes sociales : des familles, des étudiants... Messaouda a vécu dehors de 2005 à 2008. Elle a aujourd’hui un hébergement mais sa situation n’est pas encore au beau fixe. Elle vient tous les ans : « Ici tout le monde se connaît. On n’a pas d’endroit où fêter Noël. C’est un beau cadeau. »
Pierre Pavy, face à l’augmentation de la demande, réfléchit déjà à la possibilité d’organiser un second service.
« On va pouvoir faire 200 000 portions par an »
«Je travaille avec ASDF (Accueil SDF) sur un projet pour 2015 qui s’appellera “Trois étoiles solidaires” », a révélé hier, Pierre Pavy, propriétaire du restaurant le “5”. Un projet qui à terme permettra de transformer la marchandise invendue en plats préparés pour les plus précaires.
« On constate aujourd’hui, un gaspillage alimentaire énorme. Dans les grandes surfaces, les gens n’achètent pas la marchandise lorsqu’elle arrive à trois jours de la date limite de consommation (DLC). Les grandes surfaces appellent la Banque Alimentaire pour qu’ils la récupèrent mais malheureusement, il y a des produits qu’elles ne peuvent pas récupérer car la DLC est trop proche. Que faire de 20 kg de viande à part les jeter ? » La réponse, lui, il l’a trouvée.
« Nous, les restaurateurs, pouvons travailler cette viande, la transformer en plat préparés mis sous vide destinés aux gens dans la précarité. Les quantités à jeter sont tellement importantes qu’il fallait absolument que je fasse quelque chose. Alors, avec la Banque Alimentaire et la Ville de Grenoble, on a cherché pendant deux ans une cuisine qui nous permette de transformer cette marchandise en plats préparés. La Banque Alimentaire a trouvé le concept génial et a décidé de me donner directement 80 kg de viande par jour... À moi de me débrouiller avec. J’ai trouvé le cuisinier, quelques bénévoles et la cuisine qui va nous permettre de faire à peu près plus de 200 000 portions par an. La mise en conditionnement permet de faire revivre la marchandise entre 5 et 10 jours, au moins. Ça change tout. C’est tellement incroyable que la région Rhône-Alpes se soit intéressée au projet. On se demande si ce n’est pas un modèle économique qui pourrait être mis en place dans toute la France. »