Collecte de la Banque Alimentaire vendredi et samedi

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23/11/2016 - Dossier du Dauphiné Libéré
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La Banque Alimentaire de l’Isère organise dans tout le département sa grande collecte annuelle. Les bénévoles seront dans 130 magasins vendredi et samedi (avec un essai jeudi et dimanche cette année). Un rendez-vous avec la population qui permet aux bénéficiaires de se nourrir correctement.

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Une chaîne solidaire pour les plus démunis

La Banque Alimentaire de l’Isère organise dans tout le département sa grande collecte annuelle. Les bénévoles seront dans 130 magasins vendredi et samedi (avec un essai jeudi et dimanche cette année). Un rendez-vous avec la population qui permet aux bénéficiaires de se nourrir correctement.

Ce week-end, c’est la collecte annuelle de la Banque Alimentaire (BA). Un rendez-vous que les citoyens ne manquent pas et au cours duquel ils montrent une générosité sans faille depuis plus de 30 ans. À l’autre bout de la chaîne, tout au bout, il y a les bénéficiaires, les ayants droit, c’est selon, à qui l’une des 80 associations partenaires, les CCAS ou les épiceries solidaires distribuent, une fois par semaine, un panier par personne pour 50 centimes.

Marie-Claude Perrier, présidente de l’Association familiale de Saint-Égrève, est au rendez-vous le mardi après-midi et voit 92 familles, soit 242 personnes envoyées par l’assistante sociale. « En 30 ans, les profils ont peu changé finalement : des jeunes, des personnes seules et beaucoup de familles monoparentales. Si certains estiment qu’ils ont droit à cette distribution, beaucoup ont honte et viennent en pleurs. On les aide à revenir, à mettre le poing dans la poche, surtout quand il y a des enfants. »

À l’arrière du local municipal, les bénévoles s’activent, reçoivent la marchandise venue de la BA de l’Isère et constituent les paniers : féculents, fruits et légumes, viande (ou pas), lait, dessert. Les ayants droit, après s’être enregistrés, attendent dans une salle. « On ne fait pas de libre-service, pour que les premiers ne prennent pas tout et que ce soit bien réparti. »

C’est au tour de Viviane, 48 ans, trois enfants, dont deux au domicile. Elle vient prendre un colis toutes les semaines depuis trois ans : « J’ai été opérée plusieurs fois de l’estomac et je ne peux plus travailler. Mon mari gagne 1 200 euros, c’est trop peu pour nourrir toute la famille. » Aujourd’hui, elle vient avec le sourire : « L’accueil ici est formidable, les bénévoles ne nous jugent pas. » Mais dans la salle d’attente, elle a entendu quelques réflexions qui l’ont blessée : « “Toi, ton mari travaille, alors pourquoi tu viens ?” C’est dur. » Mais Viviane ne se laisse pas abattre : « Cette distribution m’aide vraiment. Quand on a de la viande, je vois bien le prix sur la barquette… Ici, c’est que 50 centimes le panier… » Bien sûr, il faut faire les courses dans la semaine mais cette aide, c’est une bulle d’oxygène dans un budget trop serré.

Le panier n’est pas l’unique système de distribution alimentaire. À l’épicerie sociale Pain d’épices, place René-Char à Eybens, gérée par l’association Eybens Accueil Urgence (EAU), « les usagers », comme préfèrent les appeler Catherine Fonte, présidente de la structure, viennent faire leur choix pratiquement comme dans une épicerie normale. Françoise, célibataire de 54 ans, vient depuis le mois de mars dernier : « J’ai toujours travaillé dans l’industrie et je suis devenue claustrophobe. Je faisais des malaises quand je restais dans les salles blanches, des endroits confinés. J’ai été licenciée en 2013. »

Depuis l’Eybinoise touche 900 euros de Pole Emploi et dépense 650 euros pour son logement. Comme son fils a eu 21 ans en février, les allocations logements se sont arrêtées. « Il ne me reste rien pour vivre. Je vis sur mon découvert. Grâce à l’aide alimentaire, je souffle, ça m’aide énormément. Je peux manger équilibré grâce aux fruits et légumes variés. Et ici, on a le choix », confie la bénéficiaire.

Alors que c’est compliqué, cette aide la soulage. Elle avoue que le premier pas a été dur. « Je pensais y arriver sans, je me disais que j’allais manger ce que j’avais, mais en fait, je n’y arrivais plus. Je suis tout le temps en train d’aider les autres, alors, quand ça vous arrive, c’est compliqué de demander la charité. Alors que j’ai toujours travaillé, l’amour-propre en prend un coup. »

Il y a 20 ans, elle s’était déjà retrouvée dans une situation comparable avec son enfant qui venait de naître, mais elle ne pensait plus y revenir. « Ici, les bénévoles sont à l’écoute. On ne vient pas juste deux minutes, on prend le café et on peut expliquer sa situation. » Elle ajoute qu’ « une solidarité entre les bénéficiaires se crée car on peut se parler et puis, ça permet de se dire qu’on n’est pas les seuls à galérer. »

À 54 ans, la recherche d’un travail pour sortir de cette situation n’est pas facile, mais Françoise continue d’y croire.

Katia CAZOT et Antoine MATTA

LE CHIFFRE 15 %

C’est l’augmentation de la demande en 2016 à la Banque Alimentaire de l’Isère, « mais aussi dans à peu près toutes les associations caritatives », note le président, Christian Chédru. Il faut donc trouver de nouvelles idées pour collecter toujours plus de denrées.
 

"Je ne suis pas que paysan, je suis aussi citoyen"

La Banque Alimentaire fonctionne grâce à l’Europe, aux grandes entreprises agroalimentaires, à la ramasse dans les super et hypermarchés, au mécénat et à la collecte annuelle… Mais il y a aussi ces petits entrepreneurs qui “prêtent” leurs salariés ou qui simplement donnent de leurs marchandises.

C’est le cas de Jean-Claude Guillet-Revol, volailler à Saint-Martin-le-Vinoux. Depuis 16 ans, le Gaec (Groupement agricole d’exploitation en commun) dont il fait partie avec son frère offre volontairement des oeufs à l’association iséroise.

Dans l’exploitation familiale, on compte jusqu’à 8 400 poules quand les trois bâtiments (deux se situent à Serre-Nerpol) sont pleins. « Il faut régulièrement renouveler le troupeau. Quand une jeune poule commence à pondre, elle fait de petits oeufs… d’un poids non-commercial. » Au départ, l’éleveur vendait ces petits oeufs à une casserie (entreprise qui casse les oeufs et les revend en bidon aux pâtissiers), « mais il fallait les mettre sur palette, faire la route jusque dans la Drôme… le tout pour 3 centimes l’unité. À ce prix-là, autant en faire cadeau à ceux qui en ont besoin ».

C’est ainsi que l’été dernier, il a offert quelque 40 000 oeufs « de poules de plein air sans OGM », précise-t-il, à la Banque Alimentaire de l’Isère. « Les bénéficiaires sont contents, ce sont des produits frais haut de gamme. Ça les change un peu. »

Récompensé pour sa générosité, Jean-Claude Guillet-Revol avoue que son Gaec a ainsi « bénéficié d’une belle déduction fiscale. Une loi est passée en 2014 », soit 14 ans après son premier don. Un acte qui finalement n’étonne pas quand il vous raconte son parcours militant, syndicaliste, ancien élu à la Métropole, qui aujourd’hui fait partie de l’association Equytable à Échirolles. « Je ne suis pas que paysan, je suis aussi un citoyen. »

Cet hiver, Jean-Claude Guillet-Revol ne fera pas de don à la Banque Alimentaire, mais au prochain changement de troupeau, les jeunes poules pondront de petits oeufs. Et au printemps, les bénéficiaires pourraient bien mettre des oeufs dans leurs paniers.

K.C.
 

Une collecte nutritive pour des repas équilibrés

C’est un rendez-vous ancré dans le paysage isérois : le dernier week-end de novembre, la Banque Alimentaire (BA) organise sa collecte annuelle. La seule fois de l’année où l’association fait appel à la générosité de la population. Et c’est en général un succès.

Cette année, si le président a changé, le rituel est maintenu : 3 000 bénévoles seront dans les magasins alimentaires du département et collecteront les denrées sèches qui viendront compléter les paniers de produits frais ramassés quatre fois par semaine. « Nous axons notre demande sur des produits intéressants d’un point de vue nutritif : conserves de poisson, légumes verts, riz… », explique Christian Chédru, président depuis mai 2016. « On part du principe qu’une personne démunie a aussi pas mal de problème de santé, dont l’obésité et du diabète. C’est important de leur fournir des menus équilibrés. »

Pour ce faire, Christian Chédru espère atteindre les 240 tonnes dimanche soir. « J’ai voulu essayer une collecte sur plus de deux jours. Un magasin sera collecté dès jeudi et sept le seront le dimanche. On verra si cela permet d’augmenter le total. Le 15 décembre nous ferons un bilan. » Cependant, le président n’a « aucun doute sur la générosité des gens ».

D’ici là, le local sassenageois ressemblera ce week-end à une petite fourmilière. À chaque arrivée de camion, les produits seront triés par catégorie. Au début de la chaîne, des bénévoles aux gilets orange se posteront aux entrées des grandes surfaces pour demander aux clients des produits. « Nous n’avons pas besoin de faire de communication de masse en amont. La collecte de la Banque Alimentaire est devenue un rendez-vous connu de tous. »

De la même manière, si l’organisation de ce week-end nécessite 3 000 bénévoles, la BA n’a pas de mal à les trouver. « On fait marcher notre réseau : Emmaüs, Croix-Rouge, GRDF, les étudiants… Il y a aussi des entreprises qui nous prêtent des salariés : c’est-à-dire qu’elles les paient comme un jour normal mais c’est avec nous qu’ils sont. C’est une journée de solidarité. Ce champ-là, d’ailleurs, n’est pas assez exploité. » Une idée à la minute…

K.C.

La lutte contre le gaspillage, une philosophie jusque dans la ramasse

Ramasse quotidienne et cuisine “Trois étoiles solidaires”, deux manières d’aider, tout au long de l’année, les démunis tout en luttant contre le gaspillage alimentaire. À la Banque Alimentaire, les deux luttes vont de pair et c’est une vraie philosophie qu’on met en place dans toutes les actions. Christian Chédru souhaite aller encore plus loin, cherche en permanence des solutions nouvelles.

« Nous travaillons avec la Ville de Grenoble et son CCAS autour de la loi Garot qui impose aux surfaces de plus de 400 m² de donner les invendus. On va donc pouvoir ramasser dans d’autres magasins, en centre-ville. Sauf que nous avons cinq camions et qu’il serait intéressant de faire cette ramasse intra-muros d’une autre façon… avec de petits véhicules », réfléchit le président.

Une autre forme de ramasse qu’il décline aussi à plus grande échelle, celle du département. « On pourrait signer des conventions tripartites entre un magasin, une association partenaire et la Banque Alimentaire. L’association [qui se charge au bout de la chaîne de la distribution] pourrait elle-même effectuer la ramasse auprès du magasin. » L’idée : éviter les allers-retours en camion des marchandises ramassées. « C’est très développement durable comme solution. Nous, ce dont nous avons besoin, c’est d’identifier les quantités fraîches qui restent à l’association. Celle-ci viendrait à la Banque Alimentaire une fois par semaine pour les denrées sèches. » Et cela permet de ramasser dans des magasins qui se trouvaient trop loin des bénévoles jusqu’alors et ainsi augmenter les quantités.

K.C.
 

“Trois étoiles solidaires”,une cuisine unique en France

Cuisiner les viandes avant leur date limite de consommation. L’idée paraît simple mais il fallait encore y penser.

Début novembre, la Banque Alimentaire de l’Isère (BAI) a fêté le premier anniversaire de la cuisine “Trois étoiles solidaires”. L’association a effectué un constat simple pour mettre en place un concept innovant unique en France. La viande récupérée juste avant la date limite de consommation n’arrivait pas dans les assiettes des bénéficiaires en raison du temps nécessaire entre la collecte et la distribution. Pour allonger la durée de vie des aliments de quelques jours, la BAI a créé avec les différents acteurs locaux, comme le Département ou la Ville de Seyssins, une cantine au sein du collège Marc-Sangnier. Du lundi au jeudi, depuis plus d’un an, 500 repas sont préparés chaque jour pour être redistribués aux 80 partenaires isérois (associations, CCAS et épiceries solidaires). Ce programme mobilise 35 bénévoles et un chef-cuisinier a été embauché. « On ne pourrait pas acheter ces viandes sans “Trois étoiles solidaires” », expliquent certains bénéficiaires. La venue dans le collège a été préparée par les différents acteurs, comme l’explique le proviseur Robert Cannafarina : « J’ai vécu l’arrivée de l’association de façon très inquiète, mais j’ai très rapidement été rassuré. Maintenant, c’est considéré comme quelque chose de normal. C’est même devenu un lieu de formation pour les jeunes. »

Lors du premier anniversaire, le président de la BAI, Christian Chédru, a remercié l’ancien président de l’association jusqu’en avril 2016 : « Bernard Perry est à l’origine du projet qui est une réussite collective sociale, environnementale, nutritionnelle et éducative. » D’autres Banques Alimentaires souhaitent déjà emboîter le pas.

A.M.

BANQUE ALIMENTAIRE ISÈRE - L’ASSOCIATION EN CHIFFRES

En 2015, 1 390 tonnes de denrées alimentaires ont été distribuées

  • La Banque Alimentaire de l’Isère, c’est :
    •     160 bénévoles permanents.
    •     Un directeur, une secrétaire, un chef cuisinier et un magasinier/cariste salariés par la BAI.
    •     Un emploi aidé.
    •     Cinq camions, dont trois frigorifiques.
    •     Un entrepôt de 1 300 m².
    •     Un espace frais de 200 m².
    •     La cuisine “3 étoiles solidaires”.
  • La ramasse quotidienne dans les grandes surfaces représente 550 tonnes (en 2015) de produits frais : fruits et légumes, viandes et laitages, viennoiseries.
  • La communauté européenne et l’État livrent 402 tonnes de conserves, lait, pâtes, huile, viande ou poisson congelé.
  • Les fabricants agroalimentaires apportent leur aide à hauteur de 185 tonnes de nourriture.
  • Ce sont ainsi, en 2015, 1 390 tonnes de denrées alimentaires qui ont été distribuées aux démunis, soit 2,8 millions de repas en Isère par le biais de 80 associations (dont des CCAS) et six épiceries solidaires. La BAI assure l’aide alimentaire de 5 000 à 5 500 personnes chaque semaine.