La parole à Christian Chédru, président de la BA de l'Isère

Accroche
03/06/2016 - article des Affiches de Grenoble et du Dauphiné
Corps

20160603AGD

Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné : Pouvez-vous nous rappeler le fonctionnement de la Banque Alimentaire de l'Isère ?

Christian Chédru : La valeur forte de la Banque Alimentaire, c'est la lutte contre le gaspillage alimentaire. Premièrement, cela passe par le don, puisque nous récoltons auprès d'hypermarchés des produits qui ne sont plus commercialisables ; puis par le partage car nous distribuons ces produits collectés à 85 associations iséroises partenaires, qui se chargent ensuite de les remettre à leurs bénéficiaires. Enfin, la gratuité fait partie de notre démarche, car nos produits n'ont aucune valeur marchande. Pour répondre aux besoins de notre territoire, nous avons conclu des conventions avec des associations qui œuvrent sur le terrain, comme les Restos du cœur, le Secours populaire ou encore la Croix-Rouge. Chaque association partenaire entretient des échanges réguliers avec l'un de nos chargés de réseau pour nous faire remonter ses besoins, en fonction des produits qu'elle souhaite redistribuer, mais aussi du nombre de ses bénéficiaires et de leurs profils. En outre, nous accompagnons également ces associations sur des formations à la microbiologie pour le respect des règles d'hygiène et de la chaine du froid.

A.G.D. : Combien de personnes bénéficient-elles des produits collectés par la Banque Alimentaire de l'Isère ?

C.C. : Aujourd'hui, nous accompagnons cinq mille personnes. Mais il faut savoir qu'à la Banque Alimentaire, nous raisonnons en unité de distribution, une unité correspondant à six kilos de produits alimentaires par semaine et par personne. Nous distribuons donc 250 000 unités par an, soit 1 500 tonnes de produits.

A.G.D. : Ce chiffre évolue-t-il à la hausse ?

C.C. : Sur le premier trimestre, il a augmenté de 15%. Aussi, notre principale difficulté aujourd'hui est de faire face à cette hausse puisque nos denrées ne sont pas extensibles. Pour augmenter nos ramasses auprès des hypermarchés, il nous faudrait ajuster notre logistique, ce qui n'est pas évident. Aujourd'hui, grâce à la loi Garot, tous les magasins de plus de 400 m2 sont dans l'obligation de donner leurs produits non commercialisables pour éviter tout gaspillage alimentaire. Ils ont donc la possibilité de nous solliciter pour organiser une ramasse. Dans ce cas-là, soit nous nous chargeons directement de la collecte, soit nous mobilisons une association partenaire et toute proche pour l'effectuer si nous n'avons pas la logistique suffisante pour l'assurer. Si nous multiplions les lieux de ramasse, il nous faudra tout logiquement de nouveaux véhicules et des bénévoles supplémentaires.

A.G.D. : Pensez-vous donc que la loi Garot, qui vise à lutter contre le gaspillage alimentaire, va assez loin ?

C.C. : Le fait de pouvoir collecter des produits dans des magasins de plus de 400 m2 est une bonne chose, mais encore faut-il disposer de moyens pour organiser ces ramasses. Sur ce point, la loi ne dit rien et ne prévoit pas d'accompagnement. Par ailleurs, nous n'avons pas attendu cette loi pour nouer de très bonnes relations avec des enseignes qui nous soutiennent depuis très longtemps. Depuis plusieurs années, sur la Métropole grenobloise, nous travaillons avec les trois Carrefour, le magasin Métro et les deux Géant Casino.

A.G.D. : L'autre solution serait-elle d'organiser sur l'année une deuxième grande collecte auprès du grand public ?

C.C. : Nous réfléchissons plutôt à augmenter nos jours de collecte. Notre grande collecte a lieu chaque année le dernier week-end de novembre, le vendredi et le samedi. Nous pourrions envisager de la poursuivre le dimanche ou même de la commencer dès le jeudi. Il est vrai que certaines Banques Alimentaires organisent une deuxième collecte, au printemps. Nous n'excluons pas cette possibilité, bien que nous pensons que cela nécessiterait une nouvelle organisation qui pourrait s'avérer lourde, sans compter que notre collecte de novembre est tellement bien installée que nous devons la préserver.

A.G.D. : Comment se répartissent aujourd'hui vos dons ?

C.C. : Pour 40%, nos produits sont issus de nos ramasses dans les hypermarchés. Pour 30%, il s'agit de produits donnés par l'Europe, via l'État français. La collecte nationale de novembre représente 15% de nos denrées et les surplus de l'agroalimentaire, composés de lots non conformes au regard du packaging, correspondent à 15% de nos stocks.

A.G.D. : Vous bénéficiez également de subventions de collectivités locales. Ces aides ont-elles été revues à la baisse ?

C.C. : Oui, nous sommes soutenus par de nombreuses collectivités locales. On s'aperçoit qu'elles sont toutes confrontées à des problématiques financières qui pèsent sur leur budget. Heureusement, nous avons de la chance, car nous n'avons pas souffert de baisses drastiques, sans doute parce que notre fonctionnement est pertinent : grâce à nos partenariats avec de nombreuses associations, nous avons un très bon maillage sur le territoire. Cependant, nous restons vigilants car 15% de bénéficiaires en plus depuis le premier trimestre, cela induit des frais supplémentaires pour nous.

A.G.D. : Quelles sont vos pistes de réflexion pour répondre à un besoin toujours plus important ?

C.C. : Nous menons actuellement une réflexion pour optimiser notre collecte sur la ville de Grenoble, qui compte vingt-cinq magasins de plus de 400 m2. Nous réfléchissons à impliquer davantage nos associations partenaires pour essayer de mutualiser nos collectes afin de mieux travailler ensemble. Par ailleurs, nous souhaiterions que dans cette initiative la Ville de Grenoble nous soutienne, notamment en termes de logistique. On se rend compte aujourd'hui que c'est en favorisant ce genre de mutualisation que nous pourrons faire face demain à des besoins grandissants.

A.G.D. : Combien de bénévoles travaillent-ils à la Banque Alimentaire de l'Isère ? Et quels sont leurs profils ?

C.C. : Environ 150 bénévoles nous accompagnent sur des temps de participation qui varient d'une demi-journée à deux jours dans la semaine. Certains bénévoles nous apportent une expertise dans un domaine précis, comme l'informatique ou le Droit, mais ce n'est pas un critère de recrutement. Pour faire partie des bénévoles, il faut surtout avoir de la volonté, venir avec envie et se retrouver dans les valeurs sociales et écologiques de la Banque Alimentaire. Ensuite, les bénévoles peuvent être affectés à des postes différents, correspondant aux activités de la Banque Alimentaire : la ramasse, le tri, la pesée et la distribution.

A.G.D. : Depuis octobre dernier, grâce au projet "3 Étoiles solidaires", vous êtes en mesure de distribuer des plats cuisinés par vos soins. Quel bilan tirez-vous de cette grande première en France ?

C.C. : Depuis le lancement du projet, nous avons cuisiné près de neuf tonnes de viande, correspondant à 500 repas par jour. Ces plats sont préparés par notre chef cuisinier et des bénévoles dans les cuisines du collège Marc Sangnier que le Département nous met à disposition. Ce sont 35 bénévoles qui se relaient en cuisine sur deux plages de travail : 13h-16h et 16h-19h. Ils sont également secondés par des élèves de trois écoles partenaires : l'école hôtelière de Grenoble, l'IMT et l'Éniliv, l'école nationale des industries du lait et de la viande. Il faut être très réactif puisque ce sont presque cent kilos de viande, dont la date limite de consommation est toute proche, qui arrivent chaque jour. Les retours sont très positifs. Les bénéficiaires apprécient ces plats qui sont accompagnés de légumes, ce qui leur permet de varier leurs repas souvent à base de féculents.

A.G.D. : Quels sont vos prochains rendez-vous ?

C.C. : le 30 juin prochain, les bénéfices du concert de l'association "Des Cimes et des notes", au Prisme, à Seyssins, seront reversés au projet "3 Étoiles solidaires". En outre, pour la troisième année consécutive, nous organiserons en décembre prochain, avec les Restos du cœur, le Secours populaire et le CCAS de Grenoble, un grand repas à destination des personnes démunies. L'année dernière, ils étaient près de mille à participer à ce repas festif. En outre, toujours avec les Restos du cœur, le Secours populaire et le CCAS, nous nous partageons les recettes d'un grand dîner de gala qui sera cuisiné par le chef deux étoiles Christophe ARIBERT et servi le 29 novembre au musée de Grenoble.