Gaspillage alimentaire : un défi logistique à relever

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08/03/2016 - Dossier du Dauphiné Libéré
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La loi Garot

La loi Garot, contre le gaspillage alimentaire, a été adoptée le 3 février par le Sénat. Après quelques péripéties, notamment un vice de procédure qui a retardé l’adoption de la loi, les moyennes et grandes surfaces de plus de 400 m² s’activent pour signer une convention avec les associations caritatives.

« Dernièrement, on a été sollicité par au moins 10 à 15 supermarchés. Notamment la direction générale de Carrefour Market, dans un rayon de 30 à 100 km, mais logistiquement, il faut avoir les moyens. Il faudrait plus de camions, de bénévoles et des matinées de 10 heures », constate Sylvain Gery, directeur de la Banque Alimentaire de l’Isère.

À Bourgoin-Jallieu, la Croix-Rouge avait déjà un partenariat avec Leclerc, la plus grande surface commerciale de la ville. « On y va tous les jours, avec les camions réfrigérés. Depuis, nous avons signé une convention avec le Grand Frais de Bourgoin-Jallieu, en février 2015, et avec celui de l’Isle-d’Abeau en avril 2015. Ça, c’est donc fait à l’avance. En octobre, le Carrefour Market de Ruy s’est ajouté », détaille April David, responsable de l’action sociale à la Croix-Rouge de Bourgoin-Jallieu.

Grâce à ses nouveaux partenariats, l’association distribue 86 tonnes de plus, soit 461 tonnes de ramassage pour 2015, contre 375 tonnes de ramassage en 2014. Avec trois distributions par semaine, 600 bénéficiaires par mois, l’association a toujours besoin de bénévoles et pense aussi à refaire la chambre froide, un investissement futur qui s’ajoutera à l’achat des deux camions réfrigérés, il y a quelque temps. Les associations plus petites oubliées ?

Pas moins de 84 associations se fournissent à la Banque Alimentaire de l’Isère, grandes et petites structures confondues. Si la Croix-Rouge a la chance de gérer niveau logistique, pour le Secours populaire de Bourgoin-Jallieu, la tâche s’annonce plus difficile. « Le problème, c’est qu’on ne pourra pas venir récupérer les denrées tous les jours et on n’a pas de camions réfrigérés, mais on peut toujours prendre des produits secs », estime Jean-Louis Gaget, bénévole au Secours populaire. En effet, les grandes surfaces jouent le jeu, mais choisissent les associations ayant les moyens techniques et humains d’assurer un ramassage régulier, voire quotidien. « Nous n’avons pas attendu l’adoption de la loi pour donner à la Croix-Rouge, tandis que les Restos du coeur se fournissent au drive de Saint-Quentin-Fallavier. Avoir plusieurs interlocuteurs demande une sacrée logistique, raconte Sylvain Francou, directeur commercial du magasin Leclerc, de Bougoin-Jallieu. Depuis 2007, le supermarché a signé une convention avec la Croix-Rouge, qui lui convient. »

« Les chartes qualité sont strictes, il est obligatoire d’avoir un camion réfrigéré et de venir tous les jours. Si la chaîne du froid est brisée, on peut être attaqué », justifie Guillaume Lorenzo, responsable hygiène/environnement du magasin.

« J’ai contacté quatre fois Intermarché à Domarin et on ne m’a jamais rappelé. Par contre, on a un partenariat avec Promocash, Lidl à la Grive et une boulangerie. Les petits ont tendance a donné plus que les grands », dénonce Jean-Louis Gaget. Faute de responsables disponibles pour une interview au niveau local, Intermarché a assuré “appliquer depuis plusieurs années déjà les mesures prévues dans la loi sur la transition énergétique”. Le Groupement des Mousquetaires affirme avoir signé des conventions avec la Fédération française des banques alimentaires, la Croix-Rouge et le Secours populaire. Mais au niveau local, chacun semble choisir son association. Du côté du Grand Frais, le siège ne souhaite pas communiquer sur le sujet.
La question que se pose Sylvain Gery maintenant est : “Comment régler ce problème de logistique ?”

Phénix : « Nous apportons une solution clé en main »

L’entreprise sociale et solidaire Phénix a bien compris que l’enjeu de cette loi se trouvait au niveau de la logistique.

Créée il y a deux ans en Ile-de-France, elle s’est installée dans la région en novembre. « Notre rôle, c’est de valoriser les produits et pratiquer la distribution responsable », insiste Gérard Martinot, directeur du développement chez Phénix.

Ainsi, les structures de moyennes et de petites tailles trouvent ce qui leur manque, la logistique. Comme le Panier de Léontine qui vient chercher des denrées alimentaires tous les mercredis. « Nous apportons une solution clé en main, on fiabilise pour maintenir la chaîne du froid, on identifie les associations, on prépare les plannings de ramassage pour faire tourner les associations, on montre aux magasins comment trier leurs produits », résume Gérard Martinot. Pour l’instant, la société traite avec quatre magasins de la région et avec un grossiste à Corbas.

Et comment fonctionne la société financièrement ? « Les magasins qui donnent bénéficient de réductions d’impôts et si nous arrivons à valoriser les produits, on prend une part. C’est une logique de partage de valeurs. C’est du win-win-win. » Un système gagnant pour les supermarchés, les associations et Phénix. Pour preuve, l’entreprise va bientôt investir dans des triporteurs électriques, compte s’installer à Lyon et affirme qu’elle doublera le nombre de magasins participants dès le deuxième trimestre.