L’appel à la solidarité des Isérois

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23/11/2017 - Dossier du Dauphiné Libéré
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Demain, samedi et dimanche, la Banque Alimentaire lance sa collecte annuelle. Les bénévoles seront dans les magasins de la grande distribution afin de demander des produits alimentaires aux clients. Il s’agit du seul rendez-vous de l’année entre l’association et le public. De leur côté, les Restos du cœur ont ouvert leur campagne d’hiver.

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L'appel à donner pour les plus démunis

Demain, samedi et dimanche, la Banque Alimentaire lance sa collecte annuelle. Les bénévoles seront dans les magasins de la grande distribution afin de demander des produits alimentaires aux clients. Le seul rendez-vous de l’année entre l’association et le public, qui, depuis des années, ne fait pas défaut.

«Les Isérois sont généreux. Très généreux. » Christian Chédru, président de la Banque Alimentaire de l’Isère (BAI), n’en revient toujours pas des quantités de produits alimentaires collectées chaque année, lors du rendez-vous de fin novembre. « Cette collecte », qui est le seul rendez-vous avec le public de l’année, « nous permet de compléter, grâce à des produits secs, la ramasse effectuée dans les magasins par nos bénévoles quatre jours par semaine, et les produits donnés par l’Europe ». Un moment très important, donc, pour l’association.

Les 3 000 bénévoles, qui auront revêtu les traditionnels gilets orange, « aujourd’hui marque déposée », sont sur le pied de guerre depuis ce matin, et ce, jusqu’à dimanche, pour collecter et trier les dons dans les locaux sassenageois. « On table sur 210-220 tonnes cette année. » D’autant que le territoire couvert par les gilets orange s’est élargi : « Nous irons jusque dans le Roussillon. En tout, nous serons présents dans 136 magasins au lieu de 130 avant. »

En 2016, la BAI avait collecté dans un magasin le jeudi, en plus des traditionnels vendredi et samedi. Elle réitère l’expérience et prolonge, cette fois, sa présence le dimanche dans dix enseignes. « Nous avons voté cette décision et nos bénévoles sont volontaires parce qu’il y a un transfert de clients du vendredi sur le dimanche. »

Sauf que Christian Chédru, aujourd’hui, vise moins la quantité que la qualité. « Nous allons, sur place, sensibiliser les donateurs à la santé publique. Pour le grand public, l’image du don est souvent celle des pâtes. Mais nous manquons essentiellement de poissons (comme les sardines en boîte), de riz, de légumes verts, de confitures ou de légumes secs (comme les lentilles). » Ce travail de sensibilisation avait débuté lors de la dernière collecte « et le public avait suivi. Nous avions constaté une hausse de 5 % de produits après valorisation : le même poids, mais de plus grande qualité. » Ceci dit, les bénévoles accueilleront avec le même enthousiasme n’importe quel don.

Cette collecte, dont le bilan sera réalisé mi-décembre, permettra à la BAI de continuer à fournir des paniers de 6 kilos aux bénéficiaires. « Cela représente douze repas par semaine », a calculé le président. Car il y a une augmentation de personnes nécessitant une aide alimentaire, via une hausse d’associations partenaires. « Les femmes seules, avec enfant ou non, représentent 72 % des bénéficiaires. On note également de nombreux retraités et étudiants, qui mangent très mal. »

Christian Chédru ne panique pas pour autant, car, dans le même temps, « la ramasse quotidienne augmente également. Le Leclerc Comboire nous a ouvert ses portes depuis un mois. Le directeur a une vision d’une société de partage et, sans se mettre en avant, il a sensibilisé ses équipes. Il y a aussi la plateforme du Carrefour drive, dont les produits sont de grande qualité, qui nous a rejoints. » Satisfait, le président verra ainsi sa ramasse atteindre les 1 900 tonnes cette année. D’autant que, pour éviter les allers-retours de la marchandise, « certaines associations partenaires éloignées font elles-mêmes la ramasse. C’est aussi cela, notre vision développement durable, économie, antigaspillage… »

Un week-end de solidarité s’ouvre, mobilisant 3 000 bénévoles, les habituels de la BAI, le monde des entreprises et des associations, ainsi que les compagnons d’Emmaüs Grenoble, qui mettent à disposition leurs camions et leurs forces vives.

Katia CAZOT


LE CHIFFRE

12 % de la population en Isère vit sous le seuil de pauvreté. La Banque Alimentaire de l’Isère distribue chaque semaine des paniers de 6 kilos de denrées alimentaires à 5 700 bénéficiaires via 86 associations et CCAS partenaires. Ce nombre étant en constante augmentation, chaque don a son importance.
 

 

Les confitures, une autre façon de lutter contre le gaspillage

Il y a les gilets orange portés par les bénévoles… et, depuis peu, il faut aussi compter sur les tabliers orange de l’atelier confiture. Parce qu’à la Banque Alimentaire de l’Isère (BAI), on ne manque pas d’idées pour lutter contre le gaspillage alimentaire : le président Christian Chédru et les bénévoles ont trouvé une nouvelle destination pour les fruits ramassés. « Cet atelier confiture n’a pas été compliqué à mettre en place », avoue le président. Contrairement à la Cuisine solidaire, « peu d’investissements ont été nécessaires, car nous avions déjà, dans nos locaux à Sassenage, une cuisine, pour certains événements et pour les bénévoles ». Puisqu’il n’y a pas de graisse animale dans les confitures, la législation non plus n’est pas contraignante.

Chaque mercredi matin, des bénévoles de la BAI, des personnels des associations partenaires et des bénéficiaires envahissent ainsi la cuisine, au premier étage, afin d’éplucher les fruits ramassés et les cuisiner avant de mettre la confiture en pot, avec une étiquette “made in BAI”. « Nous travaillons avec une diététicienne. Le mardi, nous lui indiquons quels sont les fruits “ramassés” dans les magasins le matin et elle élabore une ou deux recettes qu’ils réaliseront tous ensemble le mercredi. »

L’idée n’est pas de faire « de la productivité, ils confectionnent entre 50 et 80 pots dans la matinée ». Les bénéficiaires repartent avec leurs pots de confitures – dont les recettes sont aussi originales que délicieuses – et le sentiment d’avoir eux aussi participé à l’action de la BAI. « Ils expriment leur satisfaction, notamment du temps partagé dont ils avaient besoin. Ils connaissent la solidarité », par les deux bouts. D’ailleurs, si toutes les associations partenaires de la BAI sont concernées par l’atelier confiture, « les bénéficiaires se plaisent tant à cuisiner qu’ils veulent tous revenir. Ils se sentent utiles. Certains ramènent même des pots à leurs conseillères ».

Christian Chédru, lorsque l’idée des ateliers confiture a vu le jour, s’est rapproché des agriculteurs isérois afin d’obtenir des fruits, « on voulait les excédents, mais ça n’a pas marché ». Certaines Banques Alimentaires, qui avaient déjà mis en place l’atelier, fonctionnent avec un troc en magasin. « Ça marche bien, l’échange d’un pot contre une denrée. » Mais le président isérois vise plutôt la santé publique, estimant qu’« il faut absolument que les bénéficiaires puissent manger de bons aliments », et voit dans cette action un pas de plus vers « le changement d’alimentation ». D’ailleurs, l’étiquette collée sur le pot l’affirme : les pourcentages de fruits et de sucre sont très favorables.

Katia CAZOT

 

La cuisine Trois étoiles solidaires, ce sont 130 kilos par jour de viande sauvés de la poubelle

200 000 repas en deux ans… le pari de la cuisine Trois étoiles solidaires est largement relevé. « Son utilité est reconnue de tous, bénéficiaires, bénévoles et institutions. On compte actuellement 36 tonnes de viandes sauvées », autrement dit qui ne sont pas passées à la poubelle.

Ce deuxième anniversaire (début novembre) est donc une fierté pour la BAI. Le concept a même fait un émule avec une ouverture en Vendée. Du lundi au jeudi, dans la cuisine du collège Marc-Sangnier de Seyssins, le chef (un des cinq salariés que compte la BAI), les 35 bénévoles et les élèves des écoles hôtelières (Hôtel Lesdiguières, Enilv, Greta et bientôt Les Portes du Vercors de Voreppe) confectionnent entre 17 et 20 recettes à base de produits frais ramassés le matin même dans les grandes surfaces par d’autres bénévoles. Des recettes qui, évidemment, ne sachant pas ce qui arrivera, sont improvisées par le chef, au moment même de la réception de la marchandise. Cela représente 130 kilos de viande par jour… qui auraient dû finir à la décharge. Au lieu d’être jetée, cette viande est préparée, agrémentée de légumes verts – « toujours dans l’optique de la santé publique » – pour faire un vrai repas, tout prêt, pour les bénéficiaires.

Insatiable, Christian Chédru pousse un peu plus loin le rejet de la consommation poubelle : « Nous allons changer les barquettes dans lesquelles nous emballons les repas, pour de nouvelles composées de moins de cellulose. C’est plus développement durable. »

K.C.