La Banque Alimentaire plante les graines de l'équilibre nutritionnel

Vie associative
12/06/2023 - article du Dauphiné Libéré
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La Banque Alimentaire plante les graines de l'équilibre nutritionnel

La Banque Alimentaire de l'Isère bouscule ses habitudes : parce que les denrées collectées dans les grandes surfaces ne suffisent plus à équilibrer les colis des bénéficiaires. elle achète désormais des fruits et légumes à des agriculteurs locaux.

C'est une petite “révolution” qui s'opère au sein de la Banque Alimentaire de l'Isère (BAI). « Une entorse importante au modèle », selon les mots de sa présidente Françoise Dessertíne. Mais c'est pour la bonne cause.

Alors qu'historiquement, les banques alimentaires ne redistribuent que des denrées collectées dans les grandes et moyennes surfaces, voilà que la BAI a décidé d'acheter des fruits et légumes, pour mieux équilibrer le panier des 8 800 bénéficiaires hebdomadaires qui reçoivent leur colis via 98 associations. « Nous faisons face, depuis quelques années, à un terrible déficit en produits frais, en quantité et en qualité, dans ce qu'on collecte dans les magasins. L'an dernier, il manquait 200 tonnes pour équilibrer les paniers », pointe la présidente. Et, dans le même temps, les besoins et le nombre de bénéficiaires ne cessent d`augmenter (lire par ailleurs). « On a un effet ciseaux important face auquel on se devait de réagir », lance Sylvain Géry, directeur de la BAI.

Alors la BAI, notamment Bernard Perry, son ancien président et Françoise Dessertine, qui lui a succédé en avril dernier, s'est mise en ordre de marche au début de cette année. Autorisée depuis 2021 à acheter des denrées, le Covid ayant fait bouger pas mal de lignes, elle a retissé des liens avec le monde agricole local avec lequel elle travaillait déjà ponctuellement, pour acheter des produits de qualité, en circuit court.

Leur principal fournisseur est actuellement le réseau RécolTer, « un groupement d'agriculteurs qui fait du circuit court à fond, détaille Sylvain Géry et qui fournit des collèges. Du coup, ils ont du volume. Sur les 40 tonnes de produits qu'on a achetés depuis le début d'année, 27 tonnes sont issues de RécolTer. Mais on ne peut pas mettre tous nos œufs dans le même panier, sinon nos bénéficiaires ne vont manger que des pommes de terre ou des carottes ». Pour élargir la gamme de produits, la BAI s'est rendue au Marché d'intérêt national, où la société AgriNedis leur propose des produits locaux plus variés : courgettes bio, kiwis, poireaux... « Par ailleurs, un essaie de travailler en direct avec des agriculteurs. Et, c'est important pour nous, en les rémunérant au prix juste. On a un budget limité mais on n'est pas là pour tirer les prix vers le bas non plus. On a donné la priorité à ceux qui étaient déjà nos donateurs », comme la Ferme du Loutas à Saint-Martin-d'Uriage, à qui la BAI a acheté dernièrement 700 kilos de surproduction de choux lisses. Du côté de Moirans, les Nouveaux jardins de la solidarité (du réseau Cocagne), une association atelier et chantier d'insertion, va fournir à la BAI une tonne de courgettes (cet été) et des potimarrons (à l'automne). Tandis qu'à La Buissière, un agriculteur a planté cinq tonnes de pommes de terre pour l'hiver prochain, qui seront achetées par la BAI. « On voudrait travailler avec tous les agriculteurs de l'Isère ! », lance Françoise Dessertine.

Évidemment, pour financer tout cela, il faut des fonds. Et cette semaine, la BAI a réuni ses généreux donateurs pour fêter « les premiers 150 000 € réunis pour acheter ces produits frais. Ça correspond à 100 tonnes ! », s'est réjouie la présidente. Deux mécènes privés ont participé : l'association / fonds de dotation Societal Angels (qui prolonge et amplifie l'action de la Fondation Jeannine & Maurice Mérigot) représentée par son président et cofondateur Patrick Mérigot, ainsi que le fonds Sesame, collectif d'entreprises engagées au profit des associations de la région grenobloise, représenté par sa présidente Geneviève Fioraso. Le Département de l'Isère (représenté par Franck Longo) et la Métropole ont aussi contribué à hauteur de 30 000 € chacun, tandis que l'État a accordé à la BAI une avance de 60 000 € sur des crédits spécifiques, pour acheter des fruits et légumes, dans l'attente des fonds de l'appel à projet “Mieux manger pour tous".

Une première graine plantée vers un meilleur équilibre alimentaire, pour les bénéficiaires, les populations les plus précaires.

Marina Blanc

Les chiffres clés

En 2022, la Banque Alimentaire de l'Isère, c'est :

  • 2 565 tonnes distribuées à 98 associations, soit l'équivalent de 5 millions de repas
  • 6,3 kg de nourriture reçus, en moyenne chaque semaine, par chaque bénéficiaire
  • 175 bénévoles permanents soit l'équivalent de 25 temps plein
  • 737 0000 € de budget annuel de fonctionnement
  • 1 cuisine "Trois étoiles solidaires"
  • 1 atelier confitures anti gaspi

Toujours plus de bénéficiaires

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Entre 2019 et 2022, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 30 % à la Banque Alimentaire de l'Isère. Sur les cinq premiers mois de 2023, c'est encore + 12,5%, ce qui représente désormais 8 800 bénéficiaires par semaine.

Une réalité dont sont venues témoigner deux partenaires de la Banque Alimentaire, lors du rendez-vous organisé cette semaine à la BAI pour fêter les 150 000 € collectés. L'association 3ABI (Association aide alimentaire Bièvre Isère), qui couvre 49 communes de la Bièvre avec plus de cent familles bénéficiaires, a expliqué qu'elle avait de plus en plus de demandes. « On a beaucoup de familles monoparentales et beaucoup de retraités, surtout des femmes, qui ont du mal à vivre avec leur maigre retraite ».

Même constat du côté du Diaconat protestant, qui tient l'Échoppe à Grenoble, dans les quartiers Teisseire/Abbaye/Jouhaux. ll y effectue non seulement une distribution alimentaire, mais travaille aussi sur des projets autour du “mieux manger", avec des ateliers cuisine santé, etc. « On touche des familles en grande précarité, nous aussi avec beaucoup de femmes seules, avec beaucoup d'enfants. On a aussi de nombreux étudiants. Faire ses études en ayant faim, c'est terrible »...

Ma. B.

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