En Isère, la demande d'aide alimentaire explose

article du Dauphiné Libéré du 04/09/2020
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Le confinement a mis à mal une partie de la population iséroise, l’obligeant à avoir recours à l’aide alimentaire. Trois mois et demi après le déconfinement, la situation est toujours complexe.

La crise sanitaire est toujours latente et la crise économique ne cesse de progresser. Ce constat, les différentes structures qui accompagnent les plus fragiles avec l’aide alimentaire le font depuis plusieurs mois. À la Banque Alimentaire de l’Isère, on distribuait de la nourriture à 7 000 personnes par semaine avant le confinement. « Pendant cette période, le chiffre est monté entre 10 000 et 11 000 », indique Alain Provost, en charge de la communication pour l’association. « À la sortie du confinement, ce n’est pas redescendu. Et si les vacances d’été ont fait baisser la demande, on voit que l’on est en train de reprendre très nettement à la rentrée. C’est encore difficile de savoir exactement combien de personnes sont là, mais on a un gros afflux de bénéficiaires. Des femmes seules, des retraités, des étudiants, des migrants… »

Au Secours populaire , c’est le même constat. Tayeb Boukenoud, directeur général de la structure iséroise, évoque « une demande en augmentation. On a encore plus de foyers aidés qu’à la sortie du confinement. Ce que l’on voit, c’est que de nouvelles personnes ont perdu une partie de leur salaire, perdu complètement leur travail. Des gens qui avaient des petits boulots au noir, sur les marchés, dans la restauration, n’ont plus rien. Des victimes économiques… Alors oui, on tire toujours la sonnette d’alarme. »

Pour Nicolas Kada, vice-président du CCAS (Centre communal d’action sociale) de Grenoble, qui avait assuré temporairement une distribution alimentaire pendant le confinement, la situation appelle « à la vigilance. On est sur une augmentation et, au-delà du nombre, apparaissent des familles que l’on ne voyait pas jusque-là. On a de nouveaux foyers précarisés. On travaille avec les associations pour se coordonner, afin qu’elles puissent proposer des repas tout le temps. »

La Banque Alimentaire de l’Isère, qui fournit 4 millions de repas par an (2 000 tonnes de nourriture), sait que la fin d’année 2020 - et les mois qui suivront aussi - sera particulièrement intense en demandes. Avec la nécessité d’avoir des réserves solides. L’appui des collectivités est là, comme le précisent les structures, mais les collectes, qui constituent un maillon important de la chaîne, seront-elles au rendez-vous ? « C’est difficile de demander des sous lorsque tout le monde est touché », indique encore Tayeb Boukenoud du Secours populaire. «  Mais la réalité, c’est qu’on est en train de courir dans tous les sens et qu’il en va de la pérennité de nos structures. On a 170 00  euros de pertes entre mars et juillet, beaucoup de nos comités sont dans le rouge. » À la Banque Alimentaire, si la situation économique de la structure n’est pas problématique, on s’inquiète toutefois « car on ne connaît pas l’avenir. On ne sait pas de quoi demain sera fait avec cette crise sanitaire qui se poursuit ». Et des bouches de plus en plus nombreuses à nourrir dans l’ensemble du département.


Les Restaurants du cœur ont du mal à comprendre. Une partie de leurs bénéficiaires a disparu des écrans radars. Photo archives Le DL /Frédérique FAYS

Benoît Lagneux

Aux Restos du cœur, « le mystère » des absents

Les Restos du cœur, en Isère, ce sont 15 000 repas qui sont servis chaque semaine grâce aux 17 antennes – dont 5 à Grenoble. Parmi les bénéficiaires, 20 % environ n’étaient jamais venus avant le confinement.

L’équilibre de l’association, fragile jusque-là, a basculé avec la crise. Sauf qu’une partie de la population qui demandait de l’aide jusque-là aux Restos du cœur ne répond plus à l’appel aujourd’hui. Et cela inquiète forcément Brigitte Cotte, la présidente départementale.

« C’est la grosse question que l’on se pose. Où sont-ils ? Difficile d’imaginer que leur situation se soit améliorée pendant cette période… C’est assez incompréhensible, alors que l’on s’attendait à une recrudescence. C’est un mystère… » Les Restos du cœur, qui ont modifié leur mode de fonctionnement – avec un drive et donc l’impossibilité de choisir parmi les aliments — attendent de voir si les prochains jours et prochaines semaines changeront la donne. « J’ose espérer que ce n’est pas parce qu’ils ont peur qu’on ne les voit plus. J’espère qu’ils vont revenir si ces gens-là sont dans le besoin. ».

B. L.