Grand repas pour grande précarité

Evénement
28/04/2019 - article du Dauphiné Libéré
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À l’initiative de la Ville de Grenoble, du CCAS, des Restos du cœur, du Secours populaire et de la Banque Alimentaire, le Grand repas s’est déroulé samedi. Plusieurs centaines de personnes ont répondu à l’appel.

Carl fait face à Sylvie. Dans son verre, un peu de vin. Dans son assiette, une part de pizza. Il y a des sourires sur ce coin de table posée dans la halle Clemenceau. C’est la troisième fois que Carl vient. La deuxième pour Sylvie. « Ce n’est pas simple de passer la porte et de venir ici », avoue cette dernière. Pas simple de s’avancer vers une halle Clemenceau où les ballons accrochés au plafond et les cris de joie des enfants ne font pas oublier l’essence même de ce moment. Celui d’offrir un repas pour des personnes en très grande précarité. Au total, 500 personnes ont répondu à l’appel samedi.

« Ce n’est pas facile pour tout le monde de venir, car c’est quelque part admettre que l’on est en difficulté »

« Ce n’est pas facile pour tout le monde de venir, car c’est quelque part admettre que l’on est en difficulté, lance Tayeb Boukenoud, responsable du Secours populaire en Isère. Mais là, il ne s’agit pas d’une action de solidarité quotidienne comme l’on fait dans nos permanences. C’est un temps convivial, où des personnes sont invitées à partager un moment sympa. »

Au cœur de la halle Clemenceau, c’est une partie de Grenoble qui se retrouve. Une frange de la population qui ne roule pas sur l’or. Qui souffre parfois. Lorenzo, dans sa chaise roulante, se moque un peu que son plat refroidisse, il préfère discuter. Il est venu seul ce samedi 27 avril, comme c’est le cas lorsqu’il va manger, de temps en temps, aux Restos du cœur. Il regarde autour de lui. Des enfants courent, crient. Et ça lui va bien. « La vie en solitaire, c’est un peu triste. Je mange seul, je suis handicapé et là, ça permet de parler, d’avoir du contact avec les gens. » Il s’excuse pour cet AVC qui lui a coupé la voix. Avant, Lorenzo était ébéniste. Aujourd’hui, il survit avec une « petite retraite de 800 euros ». Ce midi-là, entouré de gens seuls, de familles nombreuses, il oublie un peu tout ça. « Je suis ravi de voir tout ce monde. »

« La pauvreté est là. Elle ne recule pas »

Le Grand repas, d’habitude programmé en fin d’année, n’a pourtant pas fait le plein. Les chaises vides, enlevées rapidement par les bénévoles, pourraient être une bonne nouvelle. Le signe que le combat est en train d’être gagné sur Grenoble. Il n’en est rien. « La pauvreté est là. Elle ne recule pas. Les demandes d’aide sont en augmentation dans toutes nos permanences », avoue Tayeb Boukenoud.

Brigitte Cotte, présidente des Restos du cœur de l’Isère, secoue la tête. Elle fait le même constat. « Pour l’Isère, on est à 4 ou 5 % de demandes en plus. Mais à Grenoble, le chiffre est lui de 20 % ! C’est dramatique. Et en même temps, on fait face à une baisse de 20 % des dons pour le département. » Deux courbes se croisent, sans se comprendre. Tout l’inverse de ces gamins, hilares, qui se courent après au milieu de la halle Clemenceau.

Benoît LAGNEUX