« Aujourd’hui en France, on meurt encore de mal manger »

Vie associative
07/04/2019 - article du Dauphiné Libéré

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Alors que la Banque Alimentaire de l’Isère a fait son assemblée générale vendredi, Christian Chédru, le président, fait le point sur l’activité de l’association.

Interview de Christian Chédru

Quel est le bilan de l’année 2018 ? 

« L’année a été marquée par l’élargissement de la couverture iséroise, qui va jusqu’à Saint-Quentin-Fallavier, pour récupérer des produits de qualité. L’autre développement, ce sont les cuisines centrales qui nous rejoignent en nous donnant leurs excédents. Il y a eu cette année l’hôpital de Grenoble, les deux cuisines centrales du Département et celle de Saint-Martin-d’Hères. En plus des collectes nationales de produits secs, on a aussi développé des collectes avec des clubs (GF38, hockey, District de foot) et même des entreprises… Deux concerts ont aussi été organisés, à Seyssins et à Eybens. L’idée, c’est que les gens ne payent pas l’entrée, mais viennent avec des produits alimentaires. Enfin, parce qu’on est obligés (dans le bon sens du terme !) de faire de la santé publique, de s’interpeller sur les conséquences de la nourriture qu’on distribue, on a lancé avec l’AFD (Association française des diabétiques) une sensibilisation autour du diabète, en lien avec le Samu social notamment. Deux cents personnes ont ainsi accepté de faire une prise de sang, et certaines d’entre elles vont être accompagnées par la suite. Aujourd’hui en France, on ne meurt pas de faim (et tant mieux !), mais on meurt encore de mal manger. »

Un bilan qui semble positif, donc ?

« C’est un bon bilan, mais on est un peu dans le contraste. On s’aperçoit qu’il y a un tassement du nombre de bénéficiaires en 2018. Et ce tassement, il peut notamment s’expliquer par le fait que les conditions d’éligibilité des bénéficiaires sont réévaluées. Pour certains, ça signifie donc qu’ils n’ont plus le droit d’accéder à la distribution alimentaire. Heureusement, ce n’est pas encore généralisé, mais on voit quelques exemples et ça nous alarme. On va essayer de trouver des parades pour accompagner au mieux. Je n’ai pas encore la clé, mais on va y travailler. »

Et du côté du bilan financier ?

« On n’a pas de problématique sur l’investissement, mais au niveau des frais de fonctionnement, on a toujours du mal. Aujourd’hui, ce que nous faisons a des coûts induits, mais nos 2 000 tonnes de denrées collectées représentent aussi 7 millions d’euros d’économies pour la société. Sachant que notre budget annuel, lui, s'élève à 450 000 €. On a besoin d’être accompagnés, par exemple pour financer les barquettes en cellulose (lire notre édition du 16 mars dernier). Le développement durable, c’est vraiment un axe qu’on veut développer en 2019, mais on a besoin des collectivités et des entreprises RSE (Responsabilité sociale des entreprises). »

Propos recueillis par Sarah HUPPERT

EN CHIFFRES

  • « En 2018, on a récolté plus de 2 000 tonnes  de  produits alimentaires  qui ont été distribués auprès de nos 90  associations  partenaires sur le territoire », explique Christian Chédru, président de la Banque Alimentaire de l’Isère (BAI).
  • La BAI compte entre 5 700 et 5 800 bénéficiaires par semaine, à qui elle propose 7 kg de produits frais et secs par semaine (par personne).
  • Elle compte aussi 5 salariés à temps plein « avec une motivation à la hauteur de nos engagements », commente le président M.Chédru.
  • L’association compte enfin 170  bénévoles.

Une épicerie étudiante en projet

Quelles sont les orientations pour 2019 ?

« On va engager une réflexion autour des zones blanches, pour promouvoir l’aide alimentaire dans les territoires ruraux, où on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de pauvreté et où on n’intervient pas pour diverses raisons (transport, notamment…). On va également s’associer au Plan de lutte contre la pauvreté proposé par Macron, avec des interventions de diététiciennes dans les salles de classe, suivies de petits-déjeuners offerts à des gens qui n’ont pas l’habitude de consommer du pain et de la confiture le matin. Un autre projet, qui devrait aboutir en 2019 ou 2020, c’est celui d’une épicerie étudiante. On est en lien pour ça avec l’UGA (Université Grenoble Alpes), le Crous et une association d’étudiants qui pilote le dispositif : on viendrait en appui avec nos produits et l’association gérerait l’épicerie. Parmi nos bénéficiaires, il y a aussi beaucoup d’étudiants, parce qu’ils ont peu de reste pour vivre. »

Vous notez aussi une hausse des bénévoles. Comment l’expliquez-vous ?

« On a mis en place un parcours de découverte : le bénévole intéressé est reçu, on lui explique ce qu’est la BAI, et on lui demande de tester les différents métiers (chauffeur, cuisinier, ramasse, préparation de commandes…). Il fait ça à son rythme, puis on se revoit pour faire un point. À 99 %, il est intéressé. Il va alors pouvoir choisir la mission qui l’intéresse, le jour et les horaires auxquels il va intervenir, et entre alors dans le dispositif. Et en plus de tout ça, on est dans la convivialité : même si on est dans un environnement compliqué, il y a de la bienveillance, de la générosité à la BAI ! »

Recueilli par S.H.